Engagée
en 2010 à l'initiative de l'Association des Amis de l'Eglise
Saint-Séverin, l'acquisition de deux nouvelles cloches destinées à
reconstituer le carillon en fa la do disparu de notre église (il
ne restait plus que la plus grosse Séverine-Victoire) a tout de suite
reçu le soutien de la municipalité et celui du Parc naturel régional du
Vexin français, qui a accordé une subvention déterminante dans la
réalisation du projet. La souscription ouverte par l'Association a connu
un important succès, témoignant de l'intérêt des Oinvillois. La
cérémonie de baptême, le 10 avril 2010, a couronné cette longue suite
d’engagements et d’actions qui ont chacun été marquants dans la vie de
la commune.
Pourquoi
cette acquisition? Nous avions déjà dans le beffroi une très ancienne
cloche bénie en 1760 sous le nom de Séverine Victoire, et refondue en
1922 par Bollée.
La présence d’un trou dans la voûte pour le passage d’une seconde
corde laissait penser qu’il y avait eu dans le passé deux cloches dans
le beffroi. A l’examen de ce dernier, on a pu déterminer l’emplacement
des paliers de deux cloches plus petites, sans doute confisquées au
cours de la Révolution afin de fabriquer des billons (pièces de bronze)
destinées à financer l’effort de guerre. Ce qui nous a été confirmé par
un document d’archives paroissiales, en date du lundi 30 avril 1736
faisant état de la bénédiction de trois cloches.
Il
y a quelques années, une famille de Oinville a perdu tragiquement un de
ses fils. Entendant sonner le glas lors de la mise en terre, l’idée lui
est venue de recréer le carillon disparu afin de perpétuer le souvenir
de leur enfant.
Une grande effervescence a entouré la fabrication des cloches, du
premier au dernier instant. Il a fallu choisir l'accord, déterminer leur
taille, leur couleur, élaborer les décors, la symbolique... Une étude du
clocher a révélé que le beffroi, cet ouvrage de charpente destiné à
supporter et
à
permettre de faire mouvoir des cloches, s'était affaissé sur un côté, et
devait donc impérativement subir des travaux de restauration.
Nommées Benoîte-Rolande et Marie-Adrienne, pour associer le souvenir
d’enfants du village à celui de ses deux précédents curés Roland
Grapinet et Adrien Van Hoof, les cloches, fondues par Cornille-Havard à
Villedieu-les-Poêles, ont été coulées à Pâques 2010, tout un symbole...
Un
petit nombre de Oinvillois se sont rendus sur place pour assister à la
coulée. C’était une véritable émotion de suivre en détail cette étape
spectaculaire de la naissance de nos nouvelles cloches, dans le
flamboiement du métal en fusion et les gerbes d'étincelles.
A
l’initiative de notre maire M. Stéphane Jeanne, la commune a affrété un
car pour les villageois désireux d'être présents au démoulage, cinq
jours
plus tard. Les enfants de CM1 et CM2 de notre école ont été du
voyage pour prendre part à un événement si rare. La journée s’est
poursuivie par une visite de l’abbaye du Mont Saint-Michel, toute
proche.
Après
polissage, les deux cloches ont été livrées à Saint-Séverin et suspendue
à un chevalet dans la
nef sud où chacun pouvait venir les admirer et
essayer leur tintement. Au cours d'une très belle cérémonie qui a
rassemblé, on le devine, la plupart des habitants du village sans
compter les autorités, l'évêque de Versailles Mgr Eric Aumônier est venu
les bénir.
Les
cloches sont restées près d'un an et demi visibles dans la nef sud de
l’église. Un beau jour, deux techniciens sont venus chercher des pièces
vitales de Séverine-Victoire, l'ancienne cloche, pour les remettre en
état dans les ateliers de la fonderie. Son mouton, notamment, dont le
bois était très vermoulu (le mouton appelé aussi joug est une pièce de
chêne ou de métal dans laquelle sont engagées les anses ou la couronne
de la cloche destinée à être sonnée en volée). Tel quel, il n'aurait pas
supporté les efforts mis en jeu lors de la sonnerie, et il a fallu en
remplacer une partie à l'identique en chêne ancien. Son cercle aussi (la
pièce qui guide la corde pour faire sonner la cloche) était endommagé
par le temps.
Tous
ces préparatifs étaient bon signe...
En effet le grand jour est venu. Le matin du 17 octobre 2011, les
deux techniciens de Cornille-Havard sont revenus, avec en perspective
trois journées complètes de travail. C'est qu'il a fallu d'abord
apprêter la charpente consolidée à accueillir nos trois cloches en
préparant les paliers, où elles seraient fixées. Séverine-Victoire, qui
avait séjourné plusieurs mois en-dessous du beffroi et avait reçu
beaucoup de plâtre a été astiquée, on lui a fixé son mouton.
Benoîte
Rolande et Marie Adrienne ont été montées le matin du 18 octobre,
Séverine-Victoire l'après-midi. L'opération a été réalisée presque en
secret en raison des dangers qu'elle comportait. Seuls Stéphane Jeanne,
le maire du village, mon mari Alain et moi-même avons été autorisés à
rester dans le beffroi pour filmer et photographier. Un premier essai de
sonnerie a été effectué tard dans l'après-midi. Moment unique depuis
sans doute deux siècles, moment bouleversant que de voir enfin trois
cloches en volée dans ce beffroi, et d'entendre leur joyeux carillon,
qui a résonné loin dans le village...
Les
26 novembre et 3 décembre, la municipalité a organisé pour les habitants
de Oinville une visite (très sécurisée) de l'ensemble de l'installation,
monter jusqu'au niveau des cloches étant rendu possible par la pose de
planchers. Cette opération a obtenu un très grand succès. Quelques jours
plus tard, une visite a été organisée pour les élèves des grandes
classes de l'école Charlotte Vidal.
Et elles ont sonné le 24 décembre au soir à la sortie de la messe de
Noël...
Claudine Litzellmann
Conseillère municipale à Oinville-sur-Moncient